Varreddes - Le martyr des otages

Varreddes sera, durant la bataille de la Marne, au cœur des combats.
L’épisode des otages est resté gravé dans les mémoires des villageois.

Varreddes : Le martyr des otages
Varreddes : Le martyr des otages

Description

--- 7 SEPTEMBRE 1914 ---
A Varreddes, au matin, l’abbé Fossin, 74 ans, curé du village, procède à
l’enterrement des deux aviateurs français, Jean Ragot et Georges Cohen, tués le 5 septembre.
(Cet après-midi-là, au-dessus du village, l’avion français, qui observait l’avance des troupes allemandes, a été victime d’une panne de moteur. L’appareil s’est écrasé, en se brisant, près du pont du canal de l’Ourcq et de la route de Lizy-sur-Ourcq/Soissons).
La cérémonie n’a pu se faire le 6 septembre, Varreddes étant sous le feu de l’artillerie.
En effet, ce jour-là, la bataille atteignait son paroxysme, avec les attaques françaises sur les plateaux de Barcy et Chambry, à l’assaut des lignes allemandes, établies au-dessus du village de Varreddes.
Pour revenir en fin de cette journée du 7 septembre, de 17h00 jusqu’à la tombée de la nuit, les Allemands arrêtent et retiennent plusieurs otages, pour la plupart âgés, et restés au village.
13 otages, 12 hommes et un enfant de 13 ans, sont retenus, dans la rue Moreau-Duchesne, en face à la mairie, et dans la cour de la ferme d’Eugène Leriche, 73 ans, lui-même pris en otage.
6 femmes, la plupart épouses d’otages, sont retenues, dans une pièce collective de cette ferme. (Elles seront relâchées le lendemain matin, mais après le départ des 13 otages).
3 autres hommes, sont retenus dans la cour de Madame Jacob.
Le dernier otage, c’est l’abbé Fossin, curé de la paroisse, arrêté dans son
presbytère, et emmené et séquestré dans la mairie du village.
Il est injustement accusé par les Allemands, d’avoir, du haut du clocher de l’église, émis des signaux à l’armée française.
Tous les otages passeront la nuit sur leurs lieux de détention.

--- 8 SEPTEMBRE 1914 ---
6h00 du matin : départ des 3 otages : Barthélémy Denis, 77 ans, Jules Denis, 63 ans et Louis Mérillon 65 ans, qui ont passé la nuit dans la cour de Madame Jacob.

Escortés par 12 soldats allemands, ils sont dirigés vers le château du Gué-à-Tresmes, qui a été transformé en ambulance allemande.
Ce château sert aussi d’État-major au général Von Trossel et à ses officiers
commandant l’artillerie lourde allemande, masquée et positionnée sur le versant de la colline, qui fait face à la demeure.
Les 3 otages vont être obligés d’enlever les morts du champ de bataille, de les enterrer et de nettoyer les salles du château.
Ils passeront la nuit dans le sous-sol de la demeure, ainsi que la nuit suivante.
Le 10 septembre au matin, après la retraite des Allemands se repliant vers le Nord du département, les otages s’échapperont du château, pour rejoindre leur village de Varreddes.

--- LE GROUPE D'OTAGE ---
De la mairie, l’abbé Fossin, escorté par des soldats allemands, a rejoint dans la cour de la ferme Leriche, le groupe des 13 otages, retenus cette nuit.
9h00 : les 14 otages à présent, sont emmenés en direction de Lizy-sur-Ourcq, par la route qui longe le cimetière de Varreddes. La route borde ensuite la Marne, les otages arriveront à Congis-sur-Thérouanne, pour reprendre la route sur les hauteurs du canal de l’Ourcq.
13h00 : après 10 km de marche, le groupe arrive à Lizy-sur-Ourcq, par le pont du canal de l’Ourcq.
Dans l’après-midi, ils sont retenus dans l’école du bourg.
Un autre otage de Varreddes, Edmond Liévin, épicier-aubergiste à "L’espérance" et garde suisse à l’église, arrêté ce matin, les rejoint.
Avec une autre colonne de soldats prisonniers, il a été emmené, en passant par les villages de Germigny-l’Evêque, Mary-sur-Marne et arrivant par la gare de Lizy-sur-Ourcq.
En fin de journée, ils sont brièvement retenus sous un grand hangar de la ferme Garnier, près de la gendarmerie.
Les deux groupes sont dirigés, ensuite, à 6 km de là, non loin de la ferme de Beauval, située sur le territoire de Trocy-en-Multien.
Il y en tout 60 civils, dont les 15 otages de Varreddes, et aussi 9 otages arrêtés autour de Coulommiers-Villiers-sur-Morin.
S’ajoutent aussi, entre 400 à 600 soldats, faits prisonniers aux alentours du champ de bataille.

Ils dormiront tous, dehors, au bord de la route, près de la ferme de Beauval.

--- 9 SEPTEMBRE 1914 ---
6 h00 : départ de la colonne, pour être ramenée, à Lizy-sur-Ourcq, sous le même hangar de la veille.
Le curé Fossin est interrogé devant un semblant de conseil de guerre allemand. Ses compagnons d’infortune ne le reverront plus…

A 9h00 : sans leur prêtre, les 14 otages de Varreddes, avec la colonne de civils et de prisonniers, reprennent la route vers le Nord.
Itinéraire long de 18 km, des otages et prisonniers :
Lizy-sur-Ourcq - Ocquerre - Coulombs-en-Valois - Brumetz - Chézy-en-Orxois
Paul Lebel, arrêté à Varreddes, hier en soirée, a rejoint avec une autre colonne de prisonniers, celle des otages de son village, peu avant d’atteindre le village de Coulombs-en-Valois.
Ils sont désormais 15 otages de Varreddes.
A l’entrée de Coulombs-en-Valois :
Louis Jourdaine, 73 ans, ne pouvant suivre, subissant coups de pieds et de
cravache, est achevé d’un coup de baïonnette au front et d’un coup de feu au cœur.
Il est le premier otage de Varreddes tué.
9 km plus loin, vers 21h00, otages et prisonniers arrivent à Chézy-en-Orxois, où ils dormiront sur les dalles de l’église.

--- 10 SEPTEMBRE 1914
Itinéraire long de 36 km, des otages et prisonniers :
Chézy-en-Orxois - Neuilly-Saint-Front - Chouy - Louatre - Villers-Hélon - Vierzy -Chaudun
Au cours de cette dramatique journée, 6 des 15 otages de Varreddes seront tués…
Chézy-en-Orxois, au matin :
Jules Millardet, 78 ans, ne pouvant reprendre la marche (il souffre d’une double hernie), est tué dans la cour de la boulangerie du village.
Ernest Vapaille, 47 ans, est tué route de Brumetz, à 100 m de la dernière maison de Chézy : la ferme des Closeaux.
14 km plus loin, avant d’arriver à Chouy, ne pouvant suivre :

Aimé Terré, 56 ans infirme, s’écroule et est achevé d’un coup de révolver.
Eugène Ménil, 64 ans, épuisé, s’affale, il est tué à coups de crosse, à 100 mètres de l’entrée du village.
Edmond Liévin, 61 ans, corpulent et cardiaque, est fusillé dans le cimetière de Chouy.
Louis Crois, 63 ans, est tué à coups de revolver, dans une rue du village.
22 km, plus loin, le groupe de prisonniers et d’otages, dont les 8 survivants de Varreddes, atteignent au Sud de Soissons, le village de Chaudun, où ils dormiront dans l’église.
(Dans ce village de Chaudun, le lendemain 11 septembre, aura lieu à 18h00, une fusillade, et des combats de rues, entre un bataillon de tirailleurs marocains, dont fait partie le lieutenant Juin, (ils ont combattu quelques jours avant, à Penchard, au bois du Télégraphe puis à Chambry) et une arrière-garde d’Allemands en fuite.
Les combats à la baïonnette, pour une reddition allemande sont féroces, les pertes, des deux côtés sont élevées, dont deux officiers français.
Une compagnie entière allemande et son capitaine est faite prisonnière.
Dans ce village de Chaudun, le 15 novembre 1936, en présence de Léon Blum, Président du Conseil, issu du Front Populaire, une stèle a été inaugurée à la mémoire de Louis Jaurès (20 ans), et au-dessus le buste de son père, le tribun socialiste Jean Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914 à Paris.
Unique fils de Jean Jaurès, Louis s’est engagé volontairement en 1915, dès l’âge de 17 ans.
Le 3 juin 1918, il est grièvement blessé sur le plateau de Chaudun, transporté à Pernant, il meurt quelques heures plus tard.

--- 11 SEPTEMBRE 1914 ---
Itinéraire long de 11 km, des otages et prisonniers : Chaudun - Soissons
16h00 : arrivée à Soissons.
Dans une école, un repas leur est servi, par les Dames de la Croix Rouge française. Ils y passeront la nuit.

--- 12 SEPTEMBRE 1914 ---
Itinéraire de 32 km, des otages et prisonniers :
Soissons - Chauny
17h00 : arrivée à Chauny, sous une pluie diluvienne.

Sous le préau du petit séminaire, du pain est donné, par les habitants de la ville. Vers 18h00, traversée de la ville pour rejoindre la gare, où ils sont enfermés dans la salle des consignes.
19h00 : embarquement dans des wagons à bestiaux, avec environ 45 prisonniers civils et quelques soldats français.
Ils passent la nuit, entassés, dans les wagons à l’arrêt.

--- 13 SEPTEMBRE 1914 ---
Départ du train : il embarque aussi, beaucoup de blessés allemands.
Le trajet par la Belgique et l’Allemagne va durer 4 jours et 4 nuits.

--- 17 SEPTEMBRE 1914 ---
1h00 : arrivée de nuit à Erfûrt, en Allemagne.
Les soldats prisonniers sont dirigés vers le camp d’internement de la ville.
Les civils sont emmenés dans la prison d’Erfûrt, où ils y seront détenus durant 28 jours.

--- 16 OCTOBRE 1914 ---
60 civils, dont ceux de Varreddes, sont extraits de la prison et traversent la ville pour se rendre à pied, au camp d’Erfûrt. Ils seront détenus dans 8 grands baraquements de 2.000 hommes chacun, soit un
camp de 16.000 prisonniers.

--- 24 OCTOBRE 1914 ---
Paul Denis, 67 ans malade, meurt à l’hôpital d’Erfûrt

--- 29 NOVEMBRE 1914 ---
Eugène Leriche et Paul Lebel, sont dirigés d’Erfûrt au camp de Langensalza, situé à 36 km.

--- 8 FÉVRIER 1915 ---
Eugène Leriche, 74 ans meurt au camp de prisonniers de Langensalza
Messe et enterrement, Paul Lebel est témoin

--- 13 FÉVRIER 1915 ---
Paul Lebel, 63 ans rentre à Varreddes après avoir été rapatrié par la Suisse il décèdera 6 mois après son retour, le 5 septembre 1916

--- 27 FÉVRIER 1915 ---
Désir Favre, 72 ans, René Favre, 14 ans (son petit-fils) rentrent à Varreddes après avoir été rapatriés par la Suisse

--- 9 MARS 1915 ---
Louis Lacour 60 ans, rentre à Varreddes, après avoir été rapatrié par la Suisse

--- 11 JANVIER 1917 ---
Léopold Combe 54 ans rentre à Varreddes après avoir été rapatrié par la Suisse, fin 1916, comme malade, il décèdera, un an après son retour, le 2 février 1918

--- 1918 ---
Louis Roi, 52 ans dernier otage, rapatrié après l’armistice du 11 novembre 1918

Le 16 septembre 1923, sur la façade de la mairie de Varreddes, est dévoilée la plaque commémorative des 44 enfants de la commune, Morts pour La France, et 10 noms gravés : les 8 otages tués et les 2 morts en captivité.
(Sur les 16 otages, y compris l’abbé Fossin, emmenés sur les routes, à destination des camps de prisonniers en Allemagne, 10 ne sont pas revenus…).
A l’intérieur de l’église de Varreddes, plaque commémorative, derrière l’église : place de l’abbé Fossin et rue des otages, la route où ils ont été emmenés.
Quelques jours plus tard, le 21 septembre 1923 : 11 otages (7 otages tués en cours de route, 2 morts en captivité, et 2 morts après leur retour) ont été décorés de la Légion d’Honneur, à titre posthume….

Il manque, (du fait, sans doute de sa nationalité, il était né en Belgique à, Geet-Betz, en région flamande) Louis Crois, 63 ans, rentier à Varreddes, tué le 10 septembre 1914, au cours de cet infernal trajet.

Dimanche 20 janvier 1924 : à Varreddes, le sous-préfet Lallemand, remet la Croix de la Légion d’Honneur, à titre posthume, aux familles des otages.
Pendant des années, nul ne saura ce qu’est devenu l’abbé Fossin.
En 1923, le corps du curé de Varreddes n’ayant pas été retrouvé, un tombeau à sa mémoire, est décidé.
La municipalité de Varreddes offre une concession à perpétuité, dans le cimetière communal.
L’œuvre est confiée au sculpteur Ernest Dubois, auteur du monument Bossuet, inauguré dans la cathédrale de Meaux, en octobre 1911.
L’abbé Fossin est représenté, en grandeur nature, vêtu de la soutane, couché sur le dos, au moment où les balles allemandes viennent de l’abattre.
Sa main droite saisit la hampe d’un drapeau français, dont les plis enlacent son corps.
Ce gisant a été enduit d’un bronzage vernissé, une patine, sans doute pour
préserver le matériau trop friable, de l’atteinte des intempéries.
Le 15 février 1927, près du village d’Ocquerre, en bordure de la route de Lizy-sur-Ourcq à Gandelu, des cantonniers en creusant, en vue de planter des peupliers, mettent à jour des ossements humains.
7 squelettes sont couchés, côte à côte, dont un séparément, et enseveli moins profondément, portant un manteau long, pouvant être une soutane.
Les ossements sont déposés dans des caisses et transportés au cimetière d’Ocquerre.
Madame Juliette Vincent-Deboeuf, habitant à Varreddes et nièce du prêtre,
identifiera son oncle, par la dentition.
Selon les témoignages des habitants de Lizy-sur-Ourcq, le 10 septembre un groupe de 6 personnes a été emmené sur la route d’Ocquerre.
Le 11 septembre au matin, le curé Fossin, escorté par deux allemands a été emmené sur cette même route.
Les conclusions amènent à penser que les 6 otages ont été tués en premier, puis le prêtre le lendemain.

Dans le cimetière communal de Varreddes, le gisant a disparu au cours de la seconde guerre mondiale (1939-1945).
Dans quelle circonstance, usure ? récupération ? On ne sait.
Aujourd’hui, à l’emplacement du tombeau de l’abbé Fossin, il reste une croix, au-dessus d’une simple tombe symbolique.

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